Si j'entends encore un directeur de théâtre privé dire que les textes qu'il reçoit sont des horreurs, il va recevoir un courrier de ma part.
Tout d'abord, ce genre de propos laisse croire que les directeurs de théâtre lisent ce qui leur arrive. Malheureusement je ne pense pas que cela soit le cas. Sur Youtube, on entend certains dire : "Si je ne reconnais pas le nom de l'auteur sur la première page du manuscrit, je ne lis pas... Un autre se vantera dans un article de journal : Je ne lis jamais les textes qu'on nous envoie par courrier... Donc première question, comment avoir une idée du niveau général si on n'y prête aucune attention ?
Second point à mentionner dans ma lettre à mon avis, c'est que se plaindre du niveau des textes qui circulent est s'étonner d'un faux problème. Bien entendu qu'il y a beaucoup d'horreurs qui circulent (j'en ai d'ailleurs envoyé moi-même), mais les premières moutures sont toujours nulles, autant l'accepter. Les directeurs de théâtre devraient reformuler leur complainte et dire que les auteurs envoient leurs textes trop vite. Là, tout à fait d'accord.
Un troisième point pour mon charmant directeur de théâtre serait que les génies sont rares dans ce monde et qu'aucun artisan ne se met à pondre une beauté d'emblée. Un menuisier ne crée pas un beau meuble au premier essai. Il doit en travailler du bois, l'auteur doit en gribouiller du papier, se planter pas mal pour arriver à quelque chose qui tient plus ou moins la route.
Et comme les directeurs de théâtre sont loin d'encourager les pauvres auteurs inconnus dans leurs démarches (est-ce leur boulot d'ailleurs ? J'en sais rien, mais le menuisier trouvera sûrement un collègue expérimenté pour l'aiguiller), forcément ils tournent en rond, continuent à faire les mêmes erreurs et à patauger dans leur mare. Je suis sûre que tout n'est pas à jeter dans ce qu'ils reçoivent, quelqu'un doit avoir un bon sens du dialogue, un autre, une idée intéressante à creuser, mais aller chercher ce qui pourrait être sauvé demande du temps, c'est vrai, alors on rejette tout en bloc.
Voilà. A une époque où il y a des théâtres de 1000 places à remplir chaque soir et où de nouveaux lieux s'ouvrent sans cesse à Paris, on ne trouve pas nécessaire d'encourager davantage ceux qui essaient d'écrire des pièces. Tout est toujours mauvais, tout le monde a tout faux. Vraiment bizarre.