En voulant commander le livre de François Truffaut consacré à ses interviews avec Alfred Hitchcock, je suis tombée sur ce site où l'on peut écouter les enregistrements directement. Pour le lien, voir ici.
J'ai écouté les 25 sections (il faut du temps, douze heures en tout), mais c'est passionnant.
Tout d'abord, Hitchcock y parle avec un anglais parfait, lentement, très compréhensible, et ses propos sont traduits aussi vite en français par Helen Scott pour François Truffaut (qui ne parle pas du tout anglais et dont les tentatives font bien rire ses interlocuteurs – bonjour l'accent !).
C'est intéressant d'avoir un auteur/metteur en scène qui s'entretient avec un autre cinéaste. François Truffaut revient sur la carrière d'Hitchcock, sur chacun de ses films et ne mâche pas ses mots (pour lui, les films britanniques sont nuls, il n'y a aucun artiste peintre valable en Angleterre...) ce qu'Hitchcock prend curieusement très bien (il était alors bien ancré dans sa carrière américaine). François Truffaut n'aime pas certains de ses films et lui dit carrément mais est très élogieux quand il les adore (comme Les enchaînés), ce qui donne un entretien assez marrant à écouter, car très honnête.
En passant, j'ai relevé quelques noms de dramaturges cités par Hitchcock, tels que Sean O' Casey, Robert Sherwood, Samson Raphaelson, James Bridie, et je vais essayer de lire au moins une de leurs pièces. Il mentionne aussi le producteur David O. Selznick et le scénariste Ben Hecht (que l'on retrouve dans la pièce Moonlight and Magnolias de Ron Hutchinson, message du 12 octobre 2012 ) et il faudra aussi que je lise quelque chose sur eux.
Ces interviews donnent une bonne vue de la manière dont on bossait à l'époque, le pouvoir des studios. Hitchcock attribue l'échec de certains de ses films à un mauvais casting. Les grands acteurs refusant de jouer le rôle de vilains, il devait bien souvent embaucher des acteurs de seconde catégorie.
Des questions intéressantes posées par Hitchcock :
Pourquoi l'histoire devient démodée ? (déjà à cette époque, Hitchcock déplorait le fait qu'on s'éloignait de la bonne fiction, que la vogue n'était plus aux bonnes histoires, réfléchies, structurées)
Est-il est bon d'approcher un sujet sérieux avec un regard humoristique ? (Truffaut lui fait remarquer que le succès de ses films vient de leur approche un peu désinvolte, humoristique, même si le sujet est sérieux. Quand son regard a été moins léger, le public n'a pas suivi)
On y trouve des réflexions très intéressantes sur la plausibilité, la vraisemblance. Ils parlent de la manière de filmer (réaliste ou pas), de certaines intrigues de ses films qui, si on réfléchit bien, ne sont pas très plausibles, mais comme le dit Hitchcock, si on ne souhaite pas utiliser son imagination et tricher avec la réalité, il faut faire des documentaires.
Ces interviews datent de 1962 et je suis étonnée que la démarche de François Truffaut n'ait pas été copiée depuis. J'adorerais entendre Woody Allen, Francis Veber, Bernard Slade, Neil Simon parler de leur métier, revenir sur leurs films ou leurs pièces de théâtre...