Un ton léger
Plus je lis de pièces de théâtre, plus je me rends compte que j'aime le ton des pièces à la Sacha Guitry, à la Ray Cooney, des pièces écrites sur un ton léger, d'humeur gaie, du début jusqu'à la fin. Pas de surprise désagréable avec des moments appartenant à un autre registre, des scènes tournant vers le drame ou larmoyantes. Le ton est donné dès la première scène – faire rire – et le dramaturge réussit son pari.
Dans les textes au ton léger, on rit en général de choses sans grande conséquence, de situations cocasses, fantaisistes, par exemple des déboires d'un personnage au plan foireux. Tout le monde sait qu'il va se planter dans son projet, mais on apprécie son optimisme à toute épreuve et on rentre dans le jeu. Ce sont des pièces qui ne révolutionnent pas le monde, ne font pas réfléchir pendant des heures, mais qui font passer un bon moment, loin des soucis quotidiens.
Lire un texte au ton léger, c'est un peu comme manger un éclair au chocolat. On savoure dès la première bouchée sans se poser trop de questions, on apprécie la qualité de la pâte et la crème onctueuse, rien ne vient gâcher notre plaisir de gourmandise.
Malheureusement ce genre de texte n'est pas aussi courant que ça. Beaucoup de dramaturges essaient d'être drôles, de maintenir un ton enjoué et marrant, et échouent à un moment donné par manque d'inspiration ou d'habileté. Ils décident alors de donner dans le vulgaire ou dans le bizarre, et le tout devient confus et le pauvre lecteur ou spectateur perd les pédales et s'interroge sur ce qu'il est en train de lire ou de voir. La magie est perdue.
Pour reprendre ma comparaison avec mon éclair, c'est comme si on s'apprêtait à déguster notre petit gâteau à la sortie de la boulangerie et, qu'à la troisième bouchée, on trouvait bizarrement une arête de poisson dans la crème ou que quelqu'un s'approchait en pleine dégustation du glaçage au chocolat pour nous parler cellulite. C'est foutu, on ne s'amuse plus.
Le parti pris de faire rigoler n'est pas aussi facile que ça à réaliser et maintenir un ton frivole de la page une à la dernière encore moins. Les auteurs qui y arrivent sont donc bien précieux pour ceux qui sont d'humeur à rire.